Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 40
Le jeudi 3 octobre 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 3 octobre 1996
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'Unité nationale
Renvoi à la Cour suprême
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai toujours dit que la sécession du Québec a une dimension juridique et une dimension politique. On le voit bien maintenant avec la demande d'avis du gouvernement à la Cour suprême du Canada et la discussion qui reprend sur le plan «A». En bout de piste, il faut le redire, c'est la dimension politique qui l'emportera.Nous sommes tous des fédéralistes dans cette Chambre. Nous voulons que le Canada reste un pays uni.
Je peux comprendre le besoin de sécurité qui se manifeste dans diverses régions du Canada. Je peux fort bien comprendre que la population canadienne veuille avoir un mot à dire dans le débat actuel sur le Canada.
Étant juriste, je comprends la force des arguments juridiques. Dans bien des cas, ils peuvent mettre fin à un conflit ou régler un problème.
Il y a cependant un point sur lequel je veux attirer l'attention de cette Chambre aujourd'hui: c'est ce qu'il est convenu d'appeler le plan «A».
Le plus sûr moyen de sauver le Canada, c'est, à mon avis, la négociation politique. Il faut d'abord et avant tout reconnaître le Québec pour ce qu'il est. Il faut donner au Québec une protection adéquate en matière d'amendement, de sorte que ses compétences fondamentales ne pourront pas être à la merci d'une majorité changeante. Cette protection est maintenant prévue dans une résolution et dans une loi fédérale adoptées à la Chambre des communes et au Sénat. Mais il faut aller plus loin et l'enchâsser dans la Constitution même du pays.
Ainsi, si un autre référendum était tenu sur la sécession du Québec, les Québécois auraient quelque chose de très concret à offrir à leur province et tous les fédéralistes du Québec s'en réjouiraient.
Si l'on considère les revendications du Québec depuis 1945 et depuis la révolution tranquille, on s'aperçoit que le Québec, au fond, veut être reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire une société différente. Et cette reconnaissance, à mon avis, le Québec l'obtiendra à l'intérieur de la fédération canadienne, ou, en cas d'échec, il pourrait décider de quitter le Canada.
Si un virage peut sauver le Canada, c'est celui qui porte sur la réalisation du plan «A». L'heure de vérité, on a commencé à la vivre. Il est encore temps de se diriger dans cette voie et j'engage vivement le gouvernement du Canada à reprendre et à continuer ses négociations avec les différentes provinces de notre pays. Il y a déjà ici et là des ouvertures.
Je suis incapable d'admettre, même implicitement, que nous avons déjà perdu la partie. Ce pays doit agir sans délai.
Journée mondiale des enseignantes
et des enseignants
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, l'Organisation
des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture - UNESCO - a
désigné le samedi 5 octobre Journée mondiale des enseignantes et des
enseignants, en hommage aux hommes et aux femmes qui consacrent leur vie à
l'éducation de nos enfants.
À l'échelle du pays, de nombreuses organisations d'enseignement, leurs associations locales ainsi que des écoles ont planifié des activités particulières pour marquer cette journée spéciale.
Un certain nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux et plusieurs municipalités proclament le 5 octobre Journée mondiale des enseignantes et des enseignants.
D'après Maureen Morris, présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants représentant 250 000 membres:
Enseigner aujourd'hui dans un monde en évolution est plus exigeant, plus stimulant que jamais. Le personnel enseignant aujourd'hui, comme peut-être jamais auparavant dans notre histoire, assure un milieu d'apprentissage calme et stable dans un monde qui est caractérisé par des valeurs sociales changeant rapidement, par d'importants progrès réalisés dans le domaine de la technologie, par un déluge constant et interminable de réformes en éducation et par un milieu familial trop souvent perturbé par le stress, la pauvreté et la violence.
Pour souligner la Journée mondiale des enseignantes et enseignants, Mme Morris dit, et je cite:
[...] l'attention et les soins extraordinaires que le personnel enseignant apporte aux enfants auxquels il enseigne; trop souvent nous avons tendance à nous concentrer sur les aspects négatifs de l'éducation. À mon avis, nous devons parler de nos succès, promouvoir fièrement nos écoles publiques et attribuer le succès de nos écoles à ceux et celles qui en sont responsables - les enseignants et les enseignantes du Canada.En invitant tous les pays à célébrer la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants le 5 octobre, Mary Hatwood Futreli, présidente de l'Internationale de l'Éducation, qui compte 23 millions de membres, dit:
Lorsque le potentiel épanoui d'un étudiant rencontre l'art libérateur d'un enseignant, un miracle se produit.
Honorables sénateurs, comme enseignante de carrière, je me sens privilégiée aujourd'hui de transmettre à mes collègues à travers le Canada, les hommages de cette Chambre haute.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
Le Code criminel
Projet de loi modificatif-Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mardi 8 octobre 1996.)
La région Asie-Pacifique
motion autorisant le Comité des
affaires étrangères
à examiner son importance pour le Canada
L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, avec la permission du
Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:
Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier l'importance croissante pour le Canada de la région Asie-Pacifique, en mettant l'emphase sur la prochaine Conférence pour la coopération économique en Asie-Pacifique (APEC) qui aura lieu à Vancouver à l'automne 1997, «l'année de l'Asie-Pacifique», et à en faire rapport;
Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services de conseillers, de spécialistes, d'employés de bureau et de tout personnel qu'il jugera nécessaire pour effectuer les travaux définis dans l'ordre de renvoi;
Que le comité ait le pouvoir de se déplacer à l'extérieur du Canada; et
Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 juillet 1997.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
Les transports
Le Service de la marine de la
Garde côtière de la
région du Pacifique-Les compressions envisagées
dans les programmes-Avis d'interpellation
L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi
prochain, le 8 octobre 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur les
conditions de sécurité maritime le long des côtes de la Colombie-Britannique,
compte tenu du processus d'automatisation des phares qui a été entrepris et
des compressions qui sont proposées dans le Programme de recherche et sauvetage
de la navigation maritime et dans d'autres programmes essentiels du Service de
la marine de la Garde côtière canadienne dans la région du Pacifique.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'unité nationale
Le renvoi à la Cour suprême du
Canada-
L'efficacité de l'initiative gouvernementale
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables
sénateurs, je voudrais demander au leader du gouvernement de bien vouloir
clarifier la décision du ministre de la Justice de soumettre trois questions
constitutionnelles à la Cour suprême. D'après ce que je comprends, un renvoi
à la Cour suprême donne habituellement lieu à un avis consultatif, et non à
un jugement exécutoire. Par conséquent, le gouvernement fédéral et le
gouvernement du Québec ne seraient-ils pas légalement en droit si l'un ou
l'autre ou les deux décidaient, quelle que soit la raison, de ne pas tenir
compte de cet avis, en tout ou en partie? Autrement dit, comment peut-on faire
respecter l'avis de la Cour suprême sur ces trois questions s'il n'a pas force
exécutoire?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais communiquer cette question à mon collègue et vous faire part de sa réponse.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'essaie de me retenir, mais il me semble que, sur une question aussi fondamentale que l'avenir de notre pays, le Cabinet devrait être un peu au courant du but que visait le ministre quand il a pris cette décision. Apparemment, ce n'est pas le cas.
Toutefois, ce qui est encore plus inquiétant au sujet de la décision du ministre de la Justice, c'est qu'elle fait de la Cour suprême un participant majeur dans un débat politique de la plus grande gravité. Le ministre demande en effet à la cour de suppléer au gouvernement fédéral dans l'exercice de sa responsabilité fondamentale et historique depuis 1867, soit le maintien de l'unité canadienne. Pourquoi avons-nous besoin que la cour dise aux Canadiens ce qu'ils savent déjà, c'est-à-dire que leur Constitution ne prévoit pas le cas de sécession et que toute modification des conditions ou de la nature de la fédération ne peut se faire qu'avec l'accord de toutes les parties en cause?
Je demande à la ministre qui représente le gouvernement du Canada: pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas le courage de confirmer ce principe fondamental de façon ferme et sans équivoque? Bien entendu, si une province n'était pas d'accord, ne serait-ce pas à elle de s'adresser aux tribunaux?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, à mon avis, le ministre a dit clairement que le gouvernement du Canada croit que toute modification du Canada doit se faire de façon ordonnée et respecter le principe de la primauté du droit. Sur cette question de la plus grande importance, les opinions de mon collègue seront reçues avec beaucoup de respect et d'intérêt, comme je l'ai dit l'autre jour. Il reste que le ministre de la Justice demande l'avis de la Cour suprême du Canada sur les trois questions mentionnées. Selon moi, cette initiative du gouvernement fédéral est tout à fait valable. Il l'a prise pour que les Canadiens des quatre coins du pays puissent connaître le contexte si jamais la situation se présente.
(1420)
Il y a une chose que je veux répéter à mon collègue, c'est que le premier ministre a clairement énoncé la priorité du gouvernement, et ce, pas plus tard qu'hier soir. La priorité du gouvernement est de mener ses relations avec le Québec et les autres provinces de telle manière que l'unité nationale soit confirmée et qu'il n'y ait plus jamais besoin de tenir un référendum.
Le sénateur Lynch-Staunton: La priorité pour le gouvernement est de dire aux provinces que si une province, quelle qu'elle soit, veut faire sécession, les conditions de Confédération ne lui permettent absolument pas de le faire. C'est cela, la priorité du gouvernement. Si une province veut renier les conditions de son adhésion à la Confédération, ou les modifier, alors tous les Canadiens doivent avoir leur mot à dire.
Pourquoi le gouvernement du Canada devrait-il demander à la Cour suprême: «Il se peut qu'il y ait une sécession. Donnez-nous quelque indication sur la façon dont elle pourrait se faire au cas une province déciderait, après un vote, de suivre cette voie» ?
Ce gouvernement met la charrue devant les boeufs. Il devrait dire aux Canadiens: «Si une province veut faire sécession, qu'elle assume la responsabilité de s'adresser aux tribunaux si cela lui tente de faire les choses légalement ou autrement.»
Pourquoi le gouvernement du Canada devrait-il se faire complice d'une telle idée, et d'ailleurs pourquoi devrait-il amener la Cour suprême à se faire complice d'une éventuelle sécession? Voilà tout le tragique de la décision du ministre de la Justice.
Pour terminer, je voudrais dire ceci: n'est-il pas paradoxal que deux éminents fédéralistes de la province de Québec, qui ont sauvé le pays en octobre 1993 - Jean Charest et Daniel Johnson - soient les deux premiers à condamner la décision du gouvernement de soumettre trois questions à la Cour suprême du Canada? N'est-il pas ironiquement tragique que l'initiative du ministre de la Justice ait unifié les forces séparatistes et en même temps divisé encore plus les forces fédéralistes au Québec? Le gouvernement du Canada ne se rend-il pas compte de ce qu'il a fait? N'a-t-il aucun respect pour les forces fédéralistes au Québec qui doivent trouver un équilibre entre les tensions nationalistes et leur attachement au Canada? Est-il donc si aveugle et si obnubilé par l'approche à la Trudeau à l'égard du Canada qu'il n'arrive pas à comprendre ce qu'est le Québec? Ne se rend-il pas compte que Johnson et Charest étaient aux premières lignes alors que le premier ministre était dans l'Ouest du Canada, occupé à recueillir des fonds et à exhorter ses troupes à ne pas se faire de souci, puis que, revenant cinq jours avant le référendum, il leur disait: «Je suis tout paniqué; sauvez-nous»? Malgré ça, nous avons été sauvés.
Le gouvernement ne se rend-il pas compte qu'il laisse tomber ceux-là mêmes dont il a besoin au Québec pour garder ce pays uni?
Le sénateur Fairbairn: Tout d'abord, la question initiale de mon collègue ne se fonde sur rien de solide. Je rappelle au sénateur Lynch-Staunton que ce qu'il a dit au sujet de la Constitution actuelle, le premier ministre et le ministre de la Justice l'avaient déjà dit à maintes reprises.
Le ministre de la Justice a demandé à la Cour suprême du Canada, une institution respectée dans tout le pays, de donner son avis sur une question de droit. C'est ce qu'il a fait...
Le sénateur Lynch-Staunton: Un avis qui ne sera pas exécutoire.
Le sénateur Fairbairn: ...et la Cour suprême du Canada va donner son avis, comme elle l'a déjà fait auparavant. Je ne suis pas d'accord avec le sénateur qui prétend qu'il s'agit d'une initiative vide de sens.
Le sénateur peut présenter les événements d'octobre dernier comme il l'entend, je ne m'engagerai pas dans un débat avec lui là-dessus. Je me contenterais de dire que beaucoup de personnes ont participé à l'effort commun qui a contribué à produire les résultats du dernier référendum. Le sénateur a choisi de ne parler que de deux personnes, mais il y en a beaucoup d'autres, à l'intérieur comme à l'extérieur du Québec, qui ont travaillé d'arrache-pied pour que le référendum ait le résultat voulu, et elles méritent le même respect que les deux messieurs mentionnés par le sénateur. Je suis d'accord avec lui, ils ont effectivement joué un rôle marquant et important dans cette bataille. Cependant, il y en a d'autres qui méritent, au même titre, le respect et la reconnaissance de mon collègue et de tous les sénateurs.
Le sénateur Lynch-Staunton: L'autre jour, j'ai utilisé le mot «pieux», ce qui n'a pas plu à la ministre, mais je vais l'utiliser de nouveau. Ce ne sont que de pieuses déclarations. Tout le monde a fait du beau travail. Nous avons tous fait un travail merveilleux. Cependant, là n'est pas la question.
La question que je pose à la ministre est la suivante: la Cour suprême ne peut donner qu'un avis. Cet avis n'est cependant pas exécutoire. Par conséquent, l'avis qu'on a demandé dans l'espoir d'apaiser le Québec, ni l'une ni l'autre des parties, pas plus le gouvernement fédéral que le Québec, n'est tenue de s'y conformer. À quoi sert donc le renvoi à la Cour suprême?
La deuxième question, plus fondamentale et plus pressante, est celle-ci: le gouvernement canadien ne s'inquiète-t-il pas du fait que les deux principaux porte-parole du fédéralisme pendant la campagne référendaire d'octobre ont dénoncé sa décision de consulter la Cour suprême? C'est ça, la question.
En consultant la Cour suprême du Canada, le gouvernement canadien s'aliène les forces fédéralistes du Québec, qui sont toujours dans une position délicate car elles sont écartelées entre leur attachement au fédéralisme et la réalité nationaliste québécoise.
Le fédéralisme ne revêt pas la même forme au Québec et à l'extérieur du Québec. Il représente pourtant le même attachement à ce pays. Ce que le gouvernement fédéral a fait en demandant l'avis de la Cour suprême, c'est dire à Daniel Johnson, le plus fédéraliste des chefs libéraux québécois depuis Jean Lesage: «Laissez tomber; nous allons faire les choses à notre façon.» Il a dit à Jean Charest, dont l'engagement a contribué à sauver le pays en octobre 1993: «Laissez tomber; nous allons faire les choses à notre façon.»
Tout ce que l'on nous dit, c'est que la Cour suprême décidera de notre avenir. Ce n'est pas le cas. C'est le gouvernement du Canada, par son attachement à ce pays et par son refus d'abandonner ses responsabilités à un groupe apolitique, qui sauvera le pays. Cependant, pour le moment, il fait tout le contraire.
Le sénateur Fairbairn: Le sénateur vient d'affirmer que le gouvernement canadien, par son engagement à l'égard du Canada, va sauver le pays. Je suis entièrement d'accord avec cette déclaration.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je pose une question, je ne demande pas une pieuse déclaration.
Le sénateur Fairbairn: Le sénateur aime bien l'expression «pieuse déclaration». Il est, lui aussi, passé maître en la matière. Tout ce que je veux lui dire, c'est que la Cour suprême du Canada ne décidera pas de l'avenir du pays.
La Cour suprême du Canada, institution respectée de notre pays, a été priée de donner son avis sur une série de questions fort importantes. Cela ne nuit pas à la cause fédéraliste au Québec. Le monsieur dont parle le sénateur prend certainement très à coeur la mission fédéraliste au Québec. J'ajouterais que le premier ministre, qui est aussi originaire du Québec, a lutté toute sa vie pour un Québec fier au sein du Canada et il continuera de le faire tant qu'il participera à la vie publique.
- (1430)
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Elle est très simple. Est-ce que le gouvernement du Canada a un plan concernant ce qu'il fera après avoir reçu l'avis de la Cour suprême du Canada?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, ma réponse à mon collègue est la même que l'autre jour. Le gouvernement du Canada a demandé un avis. Lorsqu'il le recevra, il l'utilisera pour toute action future nécessaire. Mon honorable collègue me demande de dire quels sont les plans après que la Cour suprême se sera prononcée. Je peux dire au sénateur ce que le plan est actuellement.
Le plan du gouvernement est de poursuivre ses efforts par l'intermédiaire de mesures législatives, au Parlement, et par l'intermédiaire du travail qu'il poursuit constamment avec les provinces, y compris le Québec, pour promouvoir la réalité d'un renouveau de la Confédération.
LE BUREAU DU PREMIER MINISTRE
Le rôle du conseiller personnel
dans les enquêtes
sur les transgressions des ministres-
La position du gouvernement
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, on disait dans la
presse ces derniers jours qu'une ministre, la secrétaire d'État (Formation et
Jeunesse), avait utilisé à mauvais escient une carte de crédit du
gouvernement et que, lorsqu'elle avait été découverte, elle avait prétendu
avoir respecté les directives du Conseil du Trésor, une chose que conteste un
fonctionnaire du Conseil du Trésor. Le «commissaire à l'éthique» a
déclaré qu'il avait rencontré la ministre et qu'elle avait maintenant
accepté d'utiliser ses propres cartes de crédit pour ses dépenses
personnelles.
Ma question est très précise: quel est le rôle du commissaire à l'éthique dans les questions comme celles-là? Est-ce qu'il est chargé d'aplanir les difficultés au nom du gouvernement, et d'éviter des controverses embarrassantes, ou est-ce qu'il a pour mission d'aller au fond des choses et de faire un rapport au Parlement sur les résultats de l'enquête?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'obtiendrai pour le sénateur des références exactes sur les responsabilités du commissaire à l'éthique.
Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Est-ce que le gouvernement a également demandé à la GRC d'enquêter sur cette affaire?
Le sénateur Fairbairn: Je me renseignerai.
L'unité nationale
La motion portant création d'un
comité spécial-
La date de reprise du débat.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, nous savons tous
que la motion no 22, qui a été présentée par le sénateur Beaudoin et
appuyée par le sénateur Lynch-Staunton, figure au Feuilleton depuis
sept séances déjà. Elle est inscrite au nom du sénateur Petten. Soit. Je
demande: allons-nous l'étudier?
Je suis de ceux qui sont en faveur de l'étudier. Il serait peut-être bon de constituer un groupe de sénateurs pour étudier sérieusement cette question qui nous intéresse tous au plus haut point, moi le premier. Hier, j'ai adressé mes condoléances à madame Bourassa. À notre retour dans deux semaines, j'ai l'intention de parler de M. Bourassa, mais est-ce la meilleure façon...
Le sénateur Berntson: Quand reviendrons-nous?
Le sénateur Prud'homme: Je l'ignore.
Le sénateur Doody: Nous n'avons pas été consultés.
Le sénateur Prud'homme: C'est ce que j'ai entendu dire. J'espère que nous siégerons la semaine prochaine.
Le sénateur Doody: On devrait consulter l'opposition. On devrait nous demander notre avis.
Le sénateur Prud'homme: Je n'ai pas été consulté, je vous l'assure. C'est ce que j'ai entendu en coulisse. Je suis sûr que vous avez des gens qui vous rapportent tout ce qu'ils entendent.
Si nous revenons à la Chambre la semaine prochaine, tant mieux. Pour ma part, j'estime que nous devrions siéger sans interruption quand le Canada est en butte aux attaques. Nous ne devrions pas ajourner. Nous devrions prendre notre rôle au sérieux. Allons-nous débattre de cette motion? Et si oui, quand?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la motion est inscrite au Feuilleton, comme le sénateur le sait pertinemment, en vue d'un débat. Je suis sûre que le sénateur Petten ne verrait pas d'inconvénient à céder la parole si mon honorable collègue veut intervenir dans ce débat. Il y a sans aucun doute des sénateurs de ce côté-ci qui souhaitent aussi prendre la parole. Le sénateur Petten ne voudrait pas retarder le débat sur cette motion pour le seul motif qu'il a été ajourné en son nom.
Le sénateur Prud'homme: J'en suis sûr.
Le sénateur Petten: Honorables sénateurs, je serais heureux de céder la parole au sénateur Prud'homme ou à tout autre sénateur qui souhaite prendre part à ce débat.
Le sénateur Berntson: Nous n'en attendons pas moins d'un gentleman tel que lui.
LE COLLOQUE SUR LA SANTÉ DES FEMMES
La première conférence
Canada-États-Unis-
L'exclusion de la participation de sénateurs progressistes-conservateurs-La
position du gouvernement-Demande de réponse
L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, vous vous rappelez
sans doute qu'au mois d'août, il y a eu un important colloque
Canada-États-Unis sur la santé des femmes dont a parlé le sénateur Cohen
mardi dernier, le 24 septembre, si je ne m'abuse. Elle a d'abord félicité le
gouvernement de la tenue de cette importante conférence puis a exprimé ses
inquiétudes au sujet de ce qui semblait être une liste choisie de
participantes invitées. En conséquence, j'ai demandé ce jour-là à madame le
leader du gouvernement si elle pouvait nous donner une explication simple.
Madame le leader s'est-elle renseignée à ce sujet et est-elle en mesure de
nous donner cette explication aujourd'hui?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement) Honorables sénateurs, j'ai demandé qu'on me précise exactement comment on a choisi un groupe en particulier ou comment certaines personnes ont eu accès à cette réunion. Je n'ai pas encore reçu d'explication complète. J'ai envoyé d'autres questions. Sitôt que je saurai les détails, je donnerai à mon honorable collègue une réponse. Je comprends parfaitement la question du sénateur Cohen.
LES TRAVAUX PUBLICS
Un prétendu cas de harcèlement
sexuel sur le site
de construction sur la colline du Parlement
L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, on a été témoin
l'année dernière sur la colline du Parlement, juste sous le nez du
gouvernement fédéral, d'un cas flagrant de harcèlement sexuel. Même s'il
s'agissait de travaux exécutés dans le cadre d'un marché accordé par le
ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le gouvernement
n'a rien fait à ce sujet.
Le sous-traitant Ray Wolf, de la société Protech Building Restoration, a engagé l'ingénieur Ann Raney pour effectuer des travaux de réparation de la tour de la Paix. Pour sa part, Protech travaillait pour la société Colonial Building Restoration, dont les services avaient été retenus par l'entreprise Fuller Construction. Mme Raney a été victime de harcèlement sexuel de la part du chef du chantier Akram Karmash de la société Colonial et a été forcée de quitter son emploi, en même temps que M. Wolf, qui l'a appuyée, et 24 autres employés de Protech.
Le ministère des Travaux publics a déclaré qu'il s'agissait d'une question privée entre les employés et les sous-traitants et qu'il ne pouvait donc intervenir.
Cependant, honorables sénateurs, par l'entremise de la Loi sur l'accès à l'information, Mme Raney et M. Wolf ont enfin appris que le contrat signé par le ministère des Travaux publics renfermait, en fait, une disposition très stricte interdisant toute discrimination. Pourtant, le gouvernement a choisi de ne pas l'invoquer.
En septembre, le gouvernement a annoncé son intention de resserrer toutes les règles interdisant la discrimination sur tous ses nouveaux projets de construction. Le ministère des Travaux publics sera maintenant en mesure de renvoyer, au besoin, les entrepreneurs ou les sous-traitants, ou de refuser d'accorder des contrats à des entreprises qui, dans le passé, ont fait preuve de discrimination.
Honorables sénateurs, je vais donc poser la question suivante à madame le leader: comment se fait-il que le gouvernement n'applique pas ces nouvelles règles avec effet rétroactif pour qu'on rende enfin justice à Mme Raney, et étant donné cet incident, le gouvernement va-t-il envisager de faire à nouveau appel aux services de la société Colonial Building Restoration pour tout autre marché public?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai heureuse de chercher à obtenir une réponse pour le sénateur Cohen.
Terre-Neuve
Modification du système
scolaire-Modification
de la clause 17 de la Constitution-L'embauche d'un lobbyiste par le
sous-ministre des Pêches-
Demande de précisions au sujet du contrat
L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, je suis sûr que ma
question n'étonnera pas le leader du gouvernement. Je l'ai soulevée il y a
quelque temps et encore la semaine dernière, dans certaines observations que
j'ai faites ici. La participation de l'ancien ministre de la Justice de
Terre-Neuve dans le lobbying qui a été fait pour qu'on adopte la nouvelle
clause 17 proposée pique ma curiosité.
Il a été allégué qu'il a reçu 1 000 $ par jour du ministère des Pêches et des Océans pour faire du lobbying au nom du gouvernement de Terre-Neuve, ou peut-être au nom du gouvernement du Canada, afin de tenter de faire adopter cette modification plutôt odieuse.
- (1440)
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me suis renseignée sur cette question. Comme le sénateur le sait, le ministre des Pêches a également d'autres responsabilités à assumer au sein du Cabinet, en tant que ministre régional de Terre-Neuve, comme c'est le cas pour moi à l'égard de l'Alberta. Il a retenu les services de M. Roberts. On me dit qu'il l'a fait en puisant non pas dans le budget du ministère, mais dans son budget de ministre, qui est disponible pour des marchés de ce genre. C'est la réponse qu'on m'a donnée.
Le sénateur Doody: Aux fins du compte rendu, honorables sénateurs, selon les journaux, le ministre des Pêches et des Océans a dit que ce paiement ou acompte provient du crédit accordé au sous-ministre des Pêches et des Océans. Quels efforts d'imagination faut-il faire pour comprendre qu'un crédit du Parlement accordé à un ministère puisse donner à un sous-ministre le droit d'embaucher un lobbyiste chargé de faire la promotion du programme d'un gouvernement provincial? En outre, la ministre aurait-elle l'obligeance de fournir une copie du marché accordé à M. Roberts et de la déposer dans cette Chambre?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la deuxième question, je me renseignerai pour savoir si ces documents sont disponibles.
Pour ce qui est de la première question, je répète que j'ai vérifié cet aspect auprès du cabinet du ministre des Pêches. Le paiement pour les services de M. Roberts provient du budget du cabinet du ministre, en tant que ministre régional, et non de celui du sous-ministre.
Le sénateur Doody: Pour notre édification et notre information, nous qui avons été actifs en politique provinciale, la ministre pourrait-elle nous donner une idée ou une définition de l'étendue de la dépense du crédit d'un ministre? Y a-t-il une limite sur le domaine où ce budget peut être dépensé et sur les domaines auxquels il peut s'appliquer? Un ministre reçoit-il un crédit pour l'utiliser à sa discrétion, sans aucune obligation d'en rendre compte au Parlement? Existe-t-il des normes de responsabilité qu'un ministre serait tenu de respecter? Accorde-t-on à un ministre du gouvernement du Canada un crédit global de n'importe quelle taille? Je serais curieux de connaître la taille du crédit apparemment illimité accordé au ministre des Pêches et des Océans ou, d'ailleurs, à tout autre ministre. Dans quelle mesure le ministre doit-il rendre des comptes au Parlement du Canada?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je répondrai d'abord que les fonds ne sont pas illimités. Cependant, par souci de précision, j'obtiendrai la description de cette aide financière et en ferai part au sénateur.
Le sénateur Doody: Je sais gré à la ministre de sa réponse.
Le Sénat
Les frais imposés aux sénateurs pour des documents essentiels à la recherche-La position du gouvernement
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser qui intéressera peut-être tous les sénateurs. Cette question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.Ce matin, Statistique Canada a communiqué avec mon bureau disant qu'on avait les documents concernant la TPS que mon recherchiste contractuel avait demandés. Je n'entrerai pas dans les détails. Toutefois, pour obtenir les documents, je devais d'abord acquitter la somme d'environ 40 dollars, plus la TPS, je suppose.
La recherche a été faite à ma demande. Elle concerne le projet de loi d'intérêt privé du Sénat que le sénateur Di Nino a présenté jeudi dernier. J'ai demandé l'ajournement du débat et je fais de mon mieux pour étudier rapidement le dossier, de manière à pouvoir en débattre le plus tôt possible.
Honorables sénateurs, il y a vraiment quelque chose qui cloche quand des parlementaires, incluant des sénateurs, doivent payer pour obtenir un service dont ils ont absolument besoin pour s'acquitter de leurs fonctions. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle absurdité. Si cela fait partie des efforts du ministère pour récupérer les coûts, je considère que c'est exagéré. Je m'oppose à ce que des obstacles de cette nature nous empêchent d'accomplir nos fonctions essentielles de législateurs.
Je demande à madame le leader du gouvernement au Sénat - et je ne m'attends pas à recevoir une réponse aujourd'hui même - de se pencher sur cette affaire et d'en faire rapport au Sénat le plus tôt possible.
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ignore quels documents ont été demandés, mais je vais certainement m'occuper de cette affaire. L'honorable sénateur pourrait probablement m'aider en me fournissant plus de détails.
L'assurance-emploi
Les modifications au règlement
concernant
les pêcheurs-L'application de la règle de l'intensité-
La position du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais
poser aujourd'hui au leader du gouvernement au Sénat une question
complémentaire à une question que je lui ai posée l'autre jour. C'est au
sujet du dépôt il y a quelques semaines par le gouvernement du règlement de
l'assurance-emploi, et au sujet plus spécialement de la règle dite de
l'intensité et des répercussions qu'elle aura pour les pêcheurs canadiens.
Comme nous le savons tous, le montant total des prestations distribuées l'année dernière, 235 millions de dollars, a été réduit d'environ 33 millions de dollars, soit une réduction d'environ 14 p. 100. Je suppose qu'une grande partie de cette réduction résultera de l'application de la règle de l'intensité aux pêcheurs. Elle les pénalise en fonction d'une certaine formule.
Ce qui me préoccupe, c'est le fait que le gouvernement semble oublier de temps à autre qu'il réglemente la pêche. Il dit aux pêcheurs quand ils peuvent pêcher et quand ils doivent cesser. Il leur dit également quelle quantité de poisson ils peuvent capturer.
Étant donné ce fait, pourquoi le gouvernement pénaliserait-il les
travailleurs dont il réglemente ainsi l'activité en les assujettissant à la
règle de l'intensité? C'est un peu comme s'il les giflait. Après tout, ils
n'ont aucun contrôle sur leur activité.
Tout d'abord, le gouvernement est-il parfaitement conscient des
répercussions que cette règle de l'intensité aura pour les pêcheurs?
Deuxièmement, le gouvernement pourrait-il examiner très rapidement la
possibilité de soustraire à la règle de l'intensité les pêcheurs qui
s'adonnent à la pêche d'espèces faisant l'objet de surpêche?
- (1450)
Si la ministre pouvait répondre à ces deux questions, je lui en serais reconnaissant.
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais tâcher d'obtenir les réponses que le sénateur Forrestall désire recevoir. Comme il le sait, les modifications apportées aux dispositions de l'assurance-emploi, et notamment la question de la règle de l'intensité, ont fait l'objet d'un très long débat. Je vais transmettre à mon collègue, M. Young, sa question sur la possibilité d'y soustraire les pêcheurs, pour qu'il me donne son opinion.
DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS AU FEUILLETON
La Banque de développement du
Canada-
Véhicules utilisant un carburant de remplacement
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la
réponse à la question no 102 inscrite au Feuilleton par le
sénateur Kenny.
La Commission de la capitale
nationale-
Véhicules utilisant un carburant de remplacement
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la
réponse à la question no 124 inscrite au Feuilleton par le
sénateur Kenny.
ORDRE DU JOUR
Terre-Neuve
Les changements apportés au
système scolaire-
La modification de la clause 17 de la Constitution-
Le rapport du comité-Motion d'amendement-
Ajournement du débat
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur De Bané, c.p., tendant à l'adoption du treizième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve), déposé auprès du greffier du Sénat le 17 juillet 1996.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Doody, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par substitution aux mots «sans amendement, mais avec une opinion dissidente», des mots:
avec l'amendement suivant:
Supprimer le passage de l'alinéa b) de la clause 17 qui précède le sous-alinéa (i) et le remplacer par les mots «là où le nombre le justifie,».
L'honorable Jean B. Forest: Honorables sénateurs, vous ne vous étonnerez pas que, pour mon premier discours au Sénat, j'aie choisi de parler d'une question qui touche deux domaines où j'ai été très active et où, si je n'ai pas encore gagné mes épaulettes, j'ai certainement gagné beaucoup de cheveux blancs.
Je veux parler, bien entendu, de l'éducation et des droits des minorités, qui sont touchés par la modification de la Constitution du Canada et plus précisément de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. Comme je m'intéresse depuis longtemps aux droits des minorités en ce qui touche les écoles confessionnelles, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le premier débat qui a eu lieu au Sénat, en juin dernier. Par la suite, je suis revenue d'Alberta pour les audiences qui avaient lieu à Ottawa à cause de mon vif intérêt pour la question et parce que je voulais mieux comprendre la genèse de cette proposition et les opinions divergentes qu'elle suscite.
J'ai appris bien des choses au cours des audiences et dans tout ce que j'ai entendu et lu depuis, y compris le rapport du comité. Je comprends certes beaucoup mieux le raisonnement des partisans de la modification de la clause 17, mais j'éprouve encore des inquiétudes au sujet de la modification constitutionnelle proposée pour apporter les changements recherchés.
Comme je l'ai dit dans le préambule d'une des questions que j'ai posées aux audiences, j'ai grandi au Manitoba et j'y ai étudié et enseigné dans le réseau manitobain des écoles publiques. Excellent réseau, vous en avez la preuve sous les yeux. À cette époque, avant l'arrivée au Canada de nombreux immigrants non chrétiens, les écoles publiques étaient essentiellement des écoles chrétiennes, inspirées de la tradition judéo-chrétienne. La prière et l'étude des saintes écritures faisaient partie des activités courantes.
Il subsistait cependant dans la collectivité francophone et catholique une profonde amertume parce que ses droits religieux et linguistiques, sur lesquels elle avait insisté et qui lui avaient été garantis par la Constitution lorsque la province a adhéré à la Confédération en 1870, lui avaient été enlevés à peine 20 ans après. Les parents qui voulaient envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques devaient payer les frais d'immobilisation et d'exploitation de ces écoles, en plus des taxes qui assuraient le financement du réseau public qu'ils préféraient de ne pas utiliser.
Divers gouvernements manitobains ont légiféré pour tempérer cette injustice, mais, encore aujourd'hui, beaucoup de francophones ont le sentiment de s'être fait priver de droits qui étaient garantis par la Constitution et qui avaient été une condition de leur entrée dans la Confédération.
Ensuite, j'ai déménagé en Alberta, où le droit d'appuyer publiquement les écoles confessionnelles, d'abord inscrit dans les ordonnances des Territoires du Nord-Ouest, avait été inséré et garanti dans la Loi sur l'Alberta de 1905. À titre d'enseignant, de parent et de conseiller scolaire dans le système des écoles confessionnelles en Alberta, j'ai observé un excellent esprit de collaboration entre le système des écoles confessionnelles et le système des écoles publiques de même qu'une attitude positive chez les parents qui formaient la majorité, au point où j'en suis venue à comprendre ce qu'avaient perdu non seulement les groupes minoritaires du Manitoba, mais aussi tous les Manitobains, lorsque les droits des minorités, pourtant garantis dans la Constitution, ont été retirés au moyen d'un vote majoritaire de l'assemblée législative provinciale.
J'ai espéré et j'espère encore que ni les Terre-Neuviens ni les habitants d'une autre province n'auront à subir une telle perte à l'avenir. Comme nous le savons tous, les modalités de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1949 protégeaient le droit des citoyens à des écoles confessionnelles, comme cela avait aussi été le cas au Manitoba et en Alberta. En 1987, ce droit a été étendu aux pentecôtistes.
Bien que les modifications proposées à la clause 17 ne puissent être interprétées comme une dénégation de tous les droits que possèdent les écoles confessionnelles, au cours des audiences et à d'autres occasions, nous avons recueilli le point de vue de nombreux groupes et particuliers, y compris des leaders autochtones, qui craignent que les modifications proposées diminuent leurs droits. C'est dans le cadre d'un débat comme celui-ci, je crois, que les sénateurs doivent minutieusement remplir le rôle qui leur est confié en tant que parlementaires et procéder à un second examen objectif de la modification déjà approuvée par la Chambre des communes.
À titre de parent, d'ex-enseignant, d'administrateur et de conseiller scolaire, j'appuie évidemment les initiatives visant à améliorer la qualité de l'enseignement pour chaque étudiant. Je reconnais aussi le besoin de modifier l'enseignement pour l'adapter à son époque et, en période d'austérité comme celle que nous vivons actuellement, pour accroître son efficacité.
Si j'ai bien compris ce que j'ai lu et ce que le sénateur Doody a déclaré au cours de son exposé mardi dernier, grâce au consentement et à la collaboration des principaux intervenants, des changements ont déjà été apportés, changements qui devraient réduire le nombre de commissions scolaires à Terre-Neuve, rationaliser le système de transport scolaire et élaborer un processus visant à établir les priorités en ce qui concerne les projets de construction d'écoles.
J'applaudis à ces initiatives qui, grâce à la bonne volonté de toutes les personnes concernées, devraient bientôt être en marche, si ce n'est déjà fait. J'aimerais que toutes les autres questions encore en suspens puissent aussi être réglées de cette façon par les intervenants du système d'éducation de Terre-Neuve.
Au cours du débat, certains Terre-Neuviens nous ont dit craindre la trop grande influence que la religion pouvait exercer sur leur système d'éducation. Toutefois, des juristes sont venus nous dire que, aux termes de la clause 17, il n'existe aucun obstacle d'ordre constitutionnel à la création d'un système d'écoles non confessionnelles ou d'écoles publiques à Terre-Neuve.
Si tel est le cas, cette modification, une fois approuvée, pourrait et devrait être apportée sans qu'on ait à modifier la Constitution.
- (1500)
Comme on l'a souvent dit au cours du présent débat, l'éducation relève de la compétence provinciale, et je crois que les provinces devraient s'en occuper.
Le devoir de protéger les droits des minorités, toutefois, est une toute autre affaire. Cela relève nettement de la compétence fédérale et cette question intéresse manifestement tout parlementaire et tout citoyen du Canada. À cet égard, je cite un document qui a été déposé au comité par un constitutionnaliste, le professeur Patrick Monahan:
On présume en général que les divers droits constitutionnels des différentes confessions en matière d'éducation dans les différentes provinces ne peuvent pas être abrogés ni modifiés simplement parce qu'une majorité de citoyens dans une province donnée appuient une telle mesure. En fait, cela irait à l'encontre du principe même qui a présidé à la constitutionnalisation de ces droits. Les droits des différentes confessions ont été constitutionnalisés justement pour qu'une majorité ne puisse pas abroger les droits de la minorité. Par conséquent, je conviens qu'une modification constitutionnelle de la clause 17 qui n'aurait pas l'appui de toutes les catégories de personnes que cette clause protège pourrait être considérée comme un précédent qui permettrait à d'autres provinces d'apporter des modifications similaires.
Comme j'appuie cette position et comme j'estime qu'il est extrêmement important de protéger les droits garantis des minorités, je ne peux pas appuyer cette modification de la Constitution canadienne. J'ai déjà communiqué ma préoccupation à cet égard au premier ministre et à notre leader au Sénat.
J'estime que les changements proposés par les sénateurs d'en face constituent une honnête tentative pour redonner une partie de ce que la modification constitutionnelle proposée enlèverait. Toutefois, je me demande si c'est suffisant. Ne vaudrait-il pas mieux tenir un vote libre pour faire échec à cette résolution? Cela permettrait au gouvernement de renvoyer l'affaire à Terre-Neuve, où les intervenants du système d'éducation pourraient compléter les réformes déjà bien amorcées avec la collaboration et le consentement de tous les groupes minoritaires de la province.
Cela prouverait aussi aux Canadiens que le Sénat reste ferme sur la question de la protection des droits des minorités et que ces droits ne peuvent pas être abrogés sans le consentement des personnes pour lesquelles ils sont garantis dans la Constitution.
Mises à part certaines périodes qu'a signalées hier le sénateur Carstairs, le Canada et le Parti libéral que j'appuie ont, au fil des années, établi ici comme à l'étranger une tradition forte et fière de soutien des droits des minorités. J'espère que le Sénat veillera ici à respecter cette longue et fière tradition.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l'amendement que le sénateur Doody propose à la résolution concernant la clause 17 de la Loi sur Terre-Neuve, anciennement l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1949, qui reconnaissait des droits à l'enseignement confessionnel à Terre-Neuve. J'examinerai les répercussions des droits religieux, linguistiques et culturels ainsi que des droits des minorités sur l'éducation, la question des écoles du Manitoba en 1890 et l'importance de l'éducation religieuse pour la société canadienne. J'examinerai les engagements pris envers les Terre-Neuviens en 1949, le rôle historique que le Sénat a joué en 1890 et en 1949 et les devoirs qui lui incombent actuellement dans ce domaine.
L'attitude des Canadiens par rapport à l'éducation est fondamentale dans l'histoire de notre Confédération et de notre Constitution. L'éducation que nos enfants reçoivent et leur socialisation déterminent leur conception du monde et leur caractère. Nous nous préoccupons tous de nos enfants, de leur avenir et de leur formation. La culture, y compris la langue et la religion, a une grande influence sur nos enfants. La religion et la langue ont des répercussions profondes sur la culture.
Honorables sénateurs, l'article 23 de notre Charte des droits et libertés garantit aux citoyens qui ont reçu leur instruction au niveau primaire dans la langue de la minorité linguistique d'une province de faire instruire leurs enfants dans cette même langue. En 1990, la Cour suprême du Canada a interprété l'article 23 dans l'affaire Mahe c. La Reine du chef de l'Alberta. La question consistait à savoir si le système scolaire d'Edmonton satisfaisait aux normes de la Charte. La Cour suprême a conclu que le système scolaire d'Edmonton contrevenait aux droits de la minorité linguistique et a ordonné qu'on confie à cette dernière une plus grande partie de la gestion et des pouvoirs plus vastes concernant l'instruction dans la langue de la minorité. Dans sa décision, le juge en chef Brian Dickson a souligné le lien qui existe entre la langue et la culture. L'importance de pareil lien a toujours été reconnue par les Canadiens français d'un océan à l'autre qui ont fait valoir que le maintien du français est essentiel à la protection et à la promotion de leur culture. Dans le débat actuel sur la modification de la clause 17, la Conférence des évêques catholiques du Canada, les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve et d'autres ont dit que le même lien existe entre le groupe confessionnel et la culture. Le groupe confessionnel fait partie intégrante de l'identité et de la culture de ses membres parce qu'il détermine la compréhension que les individus ont d'eux-mêmes et leur interprétation du monde.
Honorables sénateurs, la question des écoles au Manitoba a été la lutte la plus intense qui a été menée au Canada pour le droit à l'école confessionnelle. En 1890, même si la Constitution protégeait les écoles confessionnelles en vertu de l'article 22 de la Loi de 1870 sur le Manitoba, le gouvernement manitobain et le premier ministre provincial de l'époque, Thomas Greenway, ont adopté deux lois, une concernant le ministère de l'Éducation et l'autre concernant les écoles publiques, lois qui ont démantelé le système d'écoles confessionnelles et qui ont aussi mis en place le système d'enseignement public. La majorité protestante du Manitoba s'est dite d'accord, sachant qu'elle dominerait les conseils consultatifs qui prescriraient la pratique religieuse dans les écoles. Les catholiques romains ont alors perdu toute influence.
Dans les années 1890, le Manitoba a été en proie à beaucoup de turbulence, d'agitation et d'angoisse. Nombre de décisions de tribunaux ont contesté la validité de ces lois. Ces décisions ont par la suite fait l'objet d'appels à la Cour suprême du Canada, puis au comité judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni. Les catholiques ont également adressé une pétition au Sénat du Canada. Dans cette pétition, les pétitionnaires, Son Éminence le cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau, archevêque de Québec, et les prélats de l'Église catholique romaine, à savoir, Son Excellence Mgr Alexandre-Antonin Taché, archevêque de Saint-Boniface, Son Excellence Mgr J. Thomas Duhamel, archevêque d'Ottawa, Son Excellence Mgr John Walsh, archevêque de Toronto, et Son Excellence Mgr James Vincent Cleary, archevêque de Kingston, entre autres, ont demandé au Sénat de protéger et de préserver le système d'éducation confessionnel au Manitoba.
Le sénateur Mackenzie Bowell a présenté cette pétition au Sénat le 9 mai 1894. Le sénateur Bowell est devenu premier ministre le 21 décembre 1894 et a été forcé de démissionner sur cette même question le 27 avril 1896. Cette pétition se lit comme suit:
11. Les catholiques croient en la nécessité de l'instruction religieuse dans les écoles. Cette conviction leur impose des obligations de conscience, lesquelles leur donne des droits inaliénables. Ils ne peuvent se satisfaire de dire: les autres ne croient pas comme vous, de sorte que vous devez changer vos convictions... Un tel argument n'est ni juste ni équitable.
Les soussignés, pasteurs des âmes, se joignent à leurs fidèles pour réclamer les droits que ceux-ci revendiquent et sont tout à fait déterminés à les préserver dans leur intégralité. C'est une question de justice, d'équité naturelle, de prudence et d'économie sociale qui est étroitement liée aux intérêts fondamentaux du pays...
12. Les pétitionnaires soussignés ont pleinement conscience du fait que le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest ont été admis dans la Confédération après des promesses faites aux premiers habitants de ce vaste pays, au nom de Sa Majesté et avec son autorisation.
Le représentant immédiat de Sa Majesté bien-aimée leur a donné l'assurance que «respect et attention seraient accordés aux différentes confessions religieuses et que, par suite de leur union avec le Canada, tous leurs droits et privilèges religieux et civils seraient respectés»...
13. Les soussignés,... demandent à Son Excellence le gouverneur général en conseil ainsi qu'aux sénateurs et députés du Canada, quel que soit leur parti, de contribuer à un règlement équitable des difficultés actuelles.
- (1510)
[...] l'école, pour les catholiques romains, est, dans une large mesure, «l'église des enfants» et elle est très incomplète et stérile si la pratique religieuse en est exclue. L'Église a toujours insisté pour que ses enfants reçoivent leur éducation dans des écoles placées sous sa surveillance et où ils peuvent être formés dans le respect des doctrines et de la foi de l'Église.
Dans le domaine de l'éducation, l'Église catholique romaine attache beaucoup d'importance à la culture spirituelle de l'enfant et voit toute formation pédagogique dénuée d'instruction religieuse comme pouvant être nuisible et non pas bénéfique à l'enfant.
La décision de la Cour suprême a fait l'objet d'un appel devant le comité judiciaire du Conseil privé, au Royaume-Uni. Ce comité a reconnu au gouvernement provincial le droit de légiférer. Le Conseil privé impérial a déclaré que les lois provinciales ne violaient pas l'article 22 de la Loi de 1870 sur le Manitoba parce qu'elles n'obligeaient pas tous les enfants à fréquenter les écoles publiques et n'empêchaient pas la création d'écoles confessionnelles. À cette époque, le Conseil privé impérial a donné son appui à l'élargissement des pouvoirs provinciaux aux dépens des pouvoirs du gouvernement fédéral.
Des années 1890 aux années 1930, le comité judiciaire du Royaume-Uni appuyait fortement les gouvernements provinciaux dans les appels qui lui étaient soumis dans les affaires constitutionnelles. Beaucoup de chercheurs estiment que la Constitution du Canada a alors été remodelée au profit des gouvernements provinciaux par le Conseil privé impérial. Beaucoup, y compris Arthur R. M. Lower, ont attribué le rééquilibrage constitutionnel de la fin du XIXe siècle à l'influence de M. Judah P. Benjamin, un confédéré défait. Dans le gouvernement américain confédéré de Jefferson Davis, M. Benjamin avait été procureur général et également secrétaire de la Guerre. Avec la défaite des États confédérés lors de la guerre civile américaine, il est retourné en Angleterre, où il était né, et il a été appelé au Barreau en juin 1866. Il est devenu un avocat-conseil réputé devant la Chambre des lords et le comité judiciaire du Conseil privé. M. Benjamin était un ardent défenseur de la suprématie des provinces sur le gouvernement fédéral et il exerçait une grande influence sur les décisions du Conseil privé et dans l'interprétation de la Constitution du Canada.
Je voudrais partager avec les sénateurs une citation de M. Lower au sujet de Judah P. Benjamin. Il dit ceci:
Il a pris un certain nombre de causes canadiennes et, dans toutes sauf une, a défendu la province, bien qu'il n'en ait gagné que deux. Il est probable que c'est par lui que s'est transmise la tradition des «droits des États», venant du Barreau de Londres et du Conseil privé, dans l'interprétation de la Constitution canadienne, car il était un défenseur des plus influents des pouvoirs provinciaux et avait sans doute ses disciples. Plus tard, des juges comme Watson et Haldane ont défendu énergiquement la cause des provinces.
Il convient de signaler les rôles que lord Haldane et lord Watson ont joué plus tard dans l'expansion des pouvoirs provinciaux au Canada. La question des écoles au Manitoba n'a été réglée qu'en 1988. Il a donc fallu un siècle pour trouver une solution.
Honorables sénateurs, nous devons tenir compte du précédent créé par cette modification à la clause 17. Nous devons tenir compte de l'impact de cette modification sur les systèmes scolaires provinciaux et sur les droits des minorités. En 1949, Terre-Neuve est entrée dans la Confédération. Lorsque les Conditions de l'union ont été négociées, les politiciens de Terre-Neuve étaient conscients de la question des écoles au Manitoba et ils étaient également conscients du fait que des appels devant le comité judiciaire du Conseil privé du Royaume-Uni existaient toujours à ce moment-là. Ce comité a été aboli quelques mois plus tard. Il y a de bonnes raisons politiques, historiques et sociales qui expliquent pourquoi les Conditions de l'union de Terre-Neuve protégeaient de façon spécifique le système scolaire confessionnel en place dans cette province à ce moment-là et ont été rédigées de cette façon.
Honorables sénateurs, au cours des derniers mois, l'Église catholique et l'Église pentecôtiste ont affirmé qu'un droit qui est facilement violé n'est pas un droit et ont demandé que les droits dont jouissent actuellement les Terre-Neuviens soient protégés. Le Sénat a été institué pour être le protecteur et le gardien des droits des minorités dans les régions du Canada. Le Sénat a débattu l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1949. Le 17 février 1949, le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Wishart Robertson, a pris part au débat de deuxième lecture du bill 11, Loi ayant pour objet d'approuver les Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. Il a essayé d'apaiser les craintes des minorités à Terre-Neuve en disant ceci:
Les minorités peuvent entretenir des craintes sur bien des questions; mais qu'il me soit dès maintenant permis de rappeler que tout le passé de notre pays, surtout depuis la Confédération, montre à l'évidence que, dans les domaines de la religion, de l'éducation, de la culture et même dans tous les domaines de l'activité humaine, la population de Terre-Neuve n'a rien à craindre. Le passé de presque toutes les régions du Canada démontre que, dans ces matières, les minorités trouvent leur meilleur protection dans le bon sens naturel et la largeur de vues de la majorité.
[...] cependant, si jamais un groupe majoritaire oubliait ce fait et tentait d'agir autrement, il trouverait sur sa route le Sénat du Canada. La constitution et l'organisation du Sénat renferment en elles-mêmes ce principe fondamental de la Confédération: la protection des minorités. La population de Terre-Neuve peut entrer dans la Confédération avec confiance en l'avenir.
Honorables sénateurs, aujourd'hui, en 1996, nous devons dissiper les craintes qu'entretiennent les minorités de Terre-Neuve à l'égard de la gestion et du contrôle des établissements scolaires concernant les droits à l'instruction dans la langue d'une minorité, le juge en chef Dickson, dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire Mahe, que j'ai mentionnée plus tôt, a également déclaré ce qui suit:
[...] la gestion et le contrôle [...] sont nécessaires, parce que diverses questions relatives à la gestion dans l'enseignement, soit le programme, l'embauche et les dépenses, peuvent modifier les préoccupations linguistiques et culturelles. Je suis d'avis qu'il est discutable que la vigueur et la survie de la langue et de la culture d'une minorité changent de façon presque imperceptible, mais importante, par suite des décisions ayant trait à ces questions.
C'est la position que défendent aujourd'hui la Conférence des évêques catholiques du Canada et les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve. Les deux églises, ainsi que les églises anglicane, presbytérienne, adventiste et unie ainsi que l'Armée du Salut et l'Union évangélique, ont toujours été disposées à négocier des réformes en matière d'éducation à Terre-Neuve qui n'exigeraient pas une modification constitutionnelle restreignant beaucoup l'exercice des droits d'une minorité. Même si elle appuie la résolution visant la modification, l'église anglicane se fait discrète quant à la nécessité de cette modification. Les honorables sénateurs doivent recommander fortement au gouvernement terre-neuvien de négocier avec toutes ces églises pour obtenir leur assentiment. Selon le ministre de la Justice, M. Rock, et le premier ministre de Terre-Neuve, M. Tobin, les sénateurs n'ont pas à s'inquiéter et devraient adopter la résolution. Toutefois, comme en 1894 et en 1949, en 1996, les églises s'adressent encore au Sénat.
Je félicite le comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présidé par le sénateur Carstairs, de s'être penché sur la question et d'être allé entendre les témoignages des Terre-Neuviens. Je remercie particulièrement le sénateur Doody de Terre-Neuve pour tous ses efforts, ses initiatives et son courage. J'approuve le rapport minoritaire du comité sénatorial, parce qu'il propose de modifier la résolution et qu'il expose un point de vue sur la question que je partage davantage que celui du rapport majoritaire.
Honorables sénateurs, je ne peux appuyer la résolution dans son libellé actuel. Je souhaite qu'elle soit modifiée. Nous avons la responsabilité de protéger les droits de toutes les minorités. En terminant, je rappelle les travaux du comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Le Très révérend Francis J. Spence, archevêque de Kingston et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada a comparu devant notre comité le 25 juin 1996.
- (1510)
Le processus de l'éducation se déroule tout entier dans un contexte spirituel. La quête de savoir comence par un sentiment d'émerveillement devant le mystère de l'existence. L'idée même d'éducation prend ses racines dans le caractère sacré de l'individu. Laïciser l'éducation, c'est l'affaiblir; c'est affaiblir son pouvoir sur les enfants; c'est aussi diminuer le valeur de l'éducation comme fin en soi... Aucune culture ne saurait survivre aux changements sans la foi. J'espère que, dorénavant, la voix de la foi parlera plus fort au coeur de notre culture.
Honorables sénateurs, j'espère que le Sénat du Canada sera fidèle à la parole des sénateurs qui nous ont précédés et j'espère que la voix de la foi se fera entendre dans cette enceinte.
Honorables sénateurs, j'appuie le sous-amendement proposé par le sénateur Doody.
L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question. Le sénateur Cools déclare que nous devons prêter une oreille attentive aux minorités qui se sentent menacées et que c'est pourquoi elle appuie l'amendement du sénateur Doody. Madame le sénateur pourrait-elle nous dire si elle avait lu le témoignage que nous avons entendu à Terre-Neuve et que le sénateur Carstairs a exposé en partie dans son discours hier pour souligner qu'une minorité de notre province se sentirait nettement menacée par cet amendement, c'est-à-dire les adventistes du septième jour, qui ne seraient pas assez nombreux pour établir des écoles si l'amendement du sénateur Doody était adopté? Je me demande si le sénateur Cools traitera de cette question. Il s'agit nettement d'une minorité dont les droits seraient diminués, abrogés et éteints si l'amendement du sénateur Doody était adopté.
Madame le sénateur pourrait peut-être définir exactement ce qu'elle entend par minorité et comment nous devons décider quelle minorité appuyer et quelle ne pas appuyer, car il me semble que nous nous engageons dans une avenue où nous appuierons certaines minorités, mais pas d'autres. Plus précisément, dans le cas des adventistes du septième jour, qui étaient très clairement mentionnés dans le témoignage entendu dans notre province, je me demande comment elle traiterait les droits de cette minorité en vertu de cet amendement.
Le sénateur Cools: Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la première partie, la réponse est oui, j'ai lu le rapport. Je l'ai lu attentivement. Je peux présumer de la façon dont je réglerais certaines de ces questions. Premièrement, je ne siégeais pas au comité et, deuxièmement, si j'avais été membre de ce comité, j'aurais proposé un meilleur amendement que celui que j'appuie maintenant. Cependant, l'amendment du sénateur Doody est suffisamment valable pour que je l'appuie.
[Français]
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Prud'homme, je ne veux pas vous interrompre. J'espère que votre question sera très courte parce que le temps de parole de 15 minutes alloué à l'honorable sénateur Cools est déjà terminé et les questions font partie de cette période. Si vous pouviez poser votre question rapidement.
[Traduction]
L'honorable Noël A. Kinsella: Je suis persuadé que la permission sera accordée pour que le sénateur Cools puisse prolonger son temps de parole si demande en est faite.
Le sénateur Cools: Je n'ai pas saisi ce qui a été dit. Le Président parlait en français et je n'ai pas eu le temps de brancher mes écouteurs pour entendre l'interprète. Je saurai gré aux honorables sénateurs de répéter ce qu'ils ont dit.
L'honorable Marcel Prud'homme: Je suis très heureux de dire que je vais aider tout le monde. Je vais être paré. Je vais me prononcer sur le discours du sénateur tout à l'heure puis lui demander de formuler des observations. Sinon, les honorables sénateurs vont croire que je cherche à monopoliser le temps de parole aujourd'hui.
Je dois dire tout d'abord que j'appuie entièrement ses propos, tout comme ceux du sénateur Forest d'ailleurs. Néanmoins, je vais me livrer à un échange de vues avec le sénateur pendant le congé afin d'enrichir le discours que je ferai à notre retour.
(Sur la motion du sénateur Stanbury, le débat est ajourné.)
LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES COMMUNES
Le traitement des projets de loi
d'intérêt public
du Sénat renvoyés au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la
procédure
L'honorable Sharon Carstairs propose, conformément à l'avis donné le
16 mai 1996:
Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes exprimant la préoccupation du Sénat à l'égard du traitement réservé par la Chambre des communes aux projets de loi d'intérêt public du Sénat.
- Honorables sénateurs, j'ai présenté cette motion après discussion au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur la façon dont les projets de loi d'intérêt public du Sénat sont traités à l'autre endroit.
Même si un projet de loi d'intérêt public du Sénat bénéficie d'un certain traitement préférentiel par rapport aux projets de loi d'initiative parlementaire des Communes dans la procédure de cette Chambre, il ne reçoit pas le traitement qu'un projet de loi d'initiative parlementaire de l'autre Chambre reçoit ici.
Même si nous envisagions de réexaminer la façon dont nous traitons les projets de loi d'initiative parlementaire de l'autre endroit, j'ai l'intention, à la fin de mes observations, de proposer le renvoi de cette motion au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour examen.
Toutefois, je voudrais d'abord passer en revue, très rapidement, le cheminement d'un projet de loi d'intérêt public du Sénat à l'autre endroit, tel que je le perçois. Une fois qu'un projet de loi d'intérêt public a été adopté par le Sénat, un message est envoyé à la Chambre des communes lui demandant de l'approuver. À l'autre endroit, ce projet de loi est automatiquement placé au Feuilleton sous le titre «Première lecture de projets de loi publics émanant du Sénat», au chapitre des affaires courantes. L'étape de la première lecture est essentiellement une étape pro-forma, tout comme au Sénat, et le projet de loi est automatiquement lu une première fois. Toutefois, celui qui parraine le projet de loi à la Chambre des communes peut parler une minute, contrairement à ce qui se passe au Sénat.
Les projets de loi d'initiatives parlementaires de la Chambre des communes sont soumis à un système de tirage au sort qui fixe l'ordre de priorité. Les projets de loi d'intérêt public du Sénat, eux, sont automatiquement placés au bas de la liste de priorité de tous les projets de loi et toutes les motions d'initiative parlementaire et figurent au Feuilleton sous le titre «Affaires émanant des députés».
Aux Communes, les initiatives parlementaires ne sont discutées que pendant une heure certains jours. Après chaque tirage fixant l'ordre de priorité, le sous-comité des initiatives parlementaires du comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se réunit pour déterminer quels articles seront désignés pour faire l'objet d'un vote. Ceux qui ne font pas l'objet d'un vote font l'objet d'un débat, mais ne se rendent pas jusqu'à la deuxième lecture.
Ce n'est que par convention que les projets de loi d'initiative parlementaire venant du Sénat sont choisis pour un vote. Le sous-comité n'est absolument pas obligé de décider qu'un projet de loi venant du Sénat peut faire l'objet d'un vote. Durant la période réservée aux initiatives parlementaires, c'est-à-dire une heure par jour, on se penche sur les questions inscrites en fonction de leur place dans l'ordre de priorité. Une fois qu'un projet de loi ou une motion pouvant faire l'objet d'un vote atteint le haut de l'ordre de priorité, on l'étudie et si on n'en dispose pas, ce projet de loi ou cette motion retombe au bas de l'ordre de priorité et ne fera pas l'objet d'un autre débat tant qu'il ne reviendra pas en haut de l'ordre de priorité. On ne peut consacrer que deux heures et quarante-cinq minutes au débat sur un point inscrit sur l'ordre de priorité, après quoi il faut en disposer. S'il s'agit d'une question pouvant faire l'objet d'un vote, les parlementaires se prononceront et s'ils l'adoptent en deuxième lecture, cette question sera renvoyée à un comité. Une fois revenue du comité, elle est placée à nouveau au bas de l'ordre de priorité.
Dans le cadre des initiatives parlementaires, on réserve deux heures distinctes au débat à ce stade-là. Après la première heure, la question retombe à nouveau au bas de l'ordre de priorité si on n'en a pas disposé. Cependant, du consentement unanime, la Chambre peut proposer qu'on passe à l'étape du rapport et à la troisième lecture sans que l'article retombe au bas de l'ordre de priorité. Si un projet de loi est adopté en troisième lecture, la Chambre envoie alors un message au Sénat pour l'en aviser.
Son Honneur le Président suppléant: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur. Je vois qu'au moins six conversations ont lieu au Sénat. Le Règlement prévoit que les honorables sénateurs qui souhaitent avoir une conversation devraient se retirer.
Le sénateur Carstairs: Merci, Votre Honneur.
Honorables sénateurs, c'est la façon dont cette procédure fonctionne à la Chambre des communes au sujet des projets de loi d'initiative parlementaire venant du Sénat qui m'a amenée à présenter cette motion qui a pour objectif d'envoyer un message à la Chambre au sujet des préoccupations du Sénat en ce qui concerne le traitement réservé à ses projets de loi à la Chambre.
Pour qu'un projet de loi devienne loi, il doit franchir trois étapes: le Sénat, la Chambre des communes et la sanction royale. La question qui se pose alors est celle-ci: un projet de loi qui a franchi l'une de ces étapes ne doit-il pas avoir plus de poids qu'un autre qui n'en a rien fait? Étant donné qu'un projet de loi d'initiative parlementaire venant du Sénat a déjà passé par l'une des Chambres du Parlement, il devrait peut-être être traité différemment qu'un projet de loi qui n'a pas reçu cet appui.
Honorables sénateurs, il serait peut-être bon de réexaminer le Règlement du Sénat à cet égard. Ainsi, l'autre endroit a adopté le projet de loi C-216 et nous l'a renvoyé pour fins d'approbation. Cependant, il sera rayé du Feuilleton s'il n'est pas discuté à nouveau dans les 15 prochains jours de séance. Il ne devrait peut-être pas être exposé à cette menace et devrait plutôt être traité comme les projets de loi d'initiative ministérielle.
Honorables sénateurs, comme je l'ai signalé au début de mes observations, j'ai l'intention de proposer que cette motion soit renvoyée au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il puisse étudier la question et proposer peut-être le libellé d'un message qu'on pourrait envoyer à la Chambre à ce sujet.
Motion d'amendement
L'honorable Sharon Carstairs: Ainsi, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, je propose:Que la motion ne soit pas adoptée maintenant, mais que son objet soit renvoyé au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour étude.
Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: D'accord.
(La motion amendée est adoptée.)
Le Règlement sur l'assurance-emploi (pêches)
Autorisation au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie de mener une étude
L'honorable Gerald J. Comeau, conformément à l'avis du 2 octobre 1996, propose:Que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner le Règlement sur l'assurance-emploi (pêches) pris en vertu de l'article 153 de la Loi sur l'assurance-emploi et approuvé le 17 septembre 1996, ainsi que toute affaire s'y rapportant; et
Que le comité présente son rapport au plus tard le 30 novembre 1996.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Transports et communications
Autorisation au comité de
siéger
en même temps que le Sénat
L'honorable Marie-P. Poulin, au nom du sénateur Bacon, conformément à
l'avis de motion donnée le 1er octobre 1996, propose:
Que le comité sénatorial permanent des transports et de la communication soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mercredi pendant son étude de la position internationale concurrentielle du Canada dans le domaine des communications en général, et notamment de l'importance des communications au Canada sur les plans économique, social et culturel, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
L'ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motions du gouvernement:L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que lorsque le Sénat s'ajourne aujourd'hui, ce soit au lundi 21 octobre 1996, à 20 heures.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Le Sénat s'ajourne au lundi 21 octobre 1996, à 20 heures.)